Lortie Aviation possède et exploite une flotte unique d’avions de combat britanniques Hawker Hunter. La société québécoise effectue la maintenance de ces aéronefs et les loue aux forces armées du Canada, des États-Unis et de certains pays d’Europe à des fins de formation de combat tactique. La grande capacité d’adaptation du Hawker Hunter lui permet de répondre aux exigences de toutes les branches des forces armées : attaques rapides, simulation de missile, remorquage de cibles, simulation de forces armées ennemies dans le rôle d’agresseur pour navires et aéronefs, et plus.

Le travail délicat de Lortie Aviation consiste à ajuster, à entretenir et à réparer cet avion transsonique complexe sans appui de la part du fabricant d’équipement d’origine (OEM). Dans le but de prolonger la durée de vie de l’aéronef, beaucoup de pièces brisées et de composants d’origine doivent être inspectés et faire l’objet de diagnostics de défaillance et d’analyses de leurs origines avant d’être remplacés.

Pour profiter de la durée de vie maximale de l’avion, Lortie Aviation se fie à Creaform Ingénierie; grâce à une équipe d’experts multidisciplinaires, à des outils de pointe et des solutions novatrices. Les services offerts par Creaform Ingénierie répondent aux besoins précis de Lortie Aviation en matière d’ingénierie et soutient ses activités techniques depuis 2017.

Incidents sur la piste causés par un train d’atterrissage défaillant

Les bris et les incidents – graves ou non – qui surviennent au décollage et à l’atterrissage ont poussé Lortie Aviation à remettre en question la fiabilité du train d’atterrissage principal du Hawker Hunter.

Le train d’atterrissage de l’aéronef présentait une faiblesse dont nous n’avions pas connaissance. Nous n’avions aucune solution pour la réparer ou la corriger. Nous avons donc fait appel aux experts de Creaform Ingénierie pour diagnostiquer les causes de la défaillance.

– John Lusa, directeur général, Lortie Aviation

Mission

Les responsabilités initiales de Creaform Ingénierie consistaient à déterminer les limites du design original et à préciser les causes des défaillances. Les tâches d’enquête et d’analyse se sont ensuite transformées en projet de développement. Après avoir étudié le design d’origine, l’équipe a conçu et validé de nouvelles pièces de remplacement présentant une durabilité améliorée et une capacité de résistance accrue, prolongeant ainsi la durée de vie du train d’atterrissage principal.

Afin d’accomplir leur mission, les ingénieurs ont fait appel à divers services, y compris la métrologie 3D (pour la rétroingénierie des pièces actuelles dans leur environnement et l’inspection de nouvelles pièces), le design, l’ingénierie, la modélisation numérique et le tolérancement (geometric dimensioning and tolerancing, ou GD&T). En plus, la simulation numérique (l’analyse par éléments finis, précisément) et les essais mécaniques ont aidé à résoudre les enjeux en question.

Modèle d’éléments finis illustrant la réponse du train d’atterrissage principal lorsque soumis à des contraintes statiques; les zones en rouge sont exposées à des tensions élevées.

Modèle d’éléments finis illustrant la réponse du train d’atterrissage principal lorsque soumis à des efforts statiques.

Apport de la simulation numérique

L’expertise de Creaform Ingénierie en simulation numérique a été sollicitée afin d’établir les causes du fonctionnement inadéquat du train d’atterrissage principal. Après l’acquisition des données sur l’aéronef, une analyse par éléments finis (FEA) a été effectuée afin de comprendre la distribution des contraintes dans la structure.

La modélisation et la simulation numérique– parfois appelé « prototypage virtuel » – ont été employées pour estimer la durée de vie et prédire le comportement du système mécanique. L’équipe a ainsi pu reproduire les tests sans recourir à des essais mécaniques intenses et destructifs.

Difficultés techniques dans la mire

Même si l’aéronef est vieillissant, il demeure robuste et viable. Le train d’atterrissage d’origine était composé d’alliage d’aluminium forgé 7014, matériau reconnu à l’époque (1954) pour ses excellentes propriétés mécaniques. Toutefois, les ruptures répertoriées au cours des dernières années ont entraîné des défaillances catastrophiques, causé des sorties de piste et affecté d’autres composants de l’aéronef.

Afin d’établir l’origine et les causes des faiblesses, les experts ont réalisé en laboratoire des analyses mécaniques et métallographiques des matériaux fissurés pour chaque incident. Conclusion : il ne semble y avoir aucun signe apparent de fatigue. Par contre, l’analyse a mis en évidence de nombreuses fissures intergranulaires – principalement attribuables à la fissuration par corrosion sous contrainte (stress corrosion cracking or SCC)– et quelques piqûres de corrosion attribuables à la présence de soufre et de chlore. Les fortes surcharges à l’atterrissage ont poussé le train d’atterrissage dans ses extrêmes limites.

La fissuration par corrosion sous contrainte, pouvant entraîner des défaillances catastrophiques, est causée par trois facteurs combinés : un matériau sensible au phénomène, la présence de contraintes en tension dans le matériau et un environnement propice à la corrosion.

Recherche minutieuse et travaux de modélisation

L’équipe a entrepris de trouver toute l’information disponible sur le train d’atterrissage. Manuels d’entretien et de pilotage, documents d’ingénierie originaux datant des années 1950, rapports d’incidents : tout a été trié et analysé. Les ingénieurs ont également modélisé des pièces provenant de dessins 2D issus de leurs recherches, et fait usage de numérisation 3D pour obtenir des échantillons représentatifs de plusieurs exemplaires des mêmes pièces. Cela leur a évité de recourir à des données anecdotiques et leur a permis d’améliorer le processus décisionnel. Des scanners 3D de Creaform – oui, l’entreprise conçoit et fabrique aussi des solutions de numérisation 3D – ont été employés pour numériser l’environnement du train d’atterrissage dans l’aile de l’appareil afin d’éviter toute interférence entre les nouveaux composants et les pièces actuelles.

Numérisation 3D du train d’atterrissage au moyen du HandySCAN de Creaform, collecte de données en temps réel et création du maillage sur l’écran d’ordinateur.

Numérisation 3D du train d’atterrissage au moyen du HandySCAN de Creaform.

Analyse de 300 cas de charge 

Après avoir recueilli toutes les données nécessaires, une équipe d’experts a dû déterminer les diverses charges appliquées au train d’atterrissage. Pour ce faire, ils ont mené des analyses statiques et dynamiques en prenant en compte les paramètres de l’aéronef, par exemple sa vitesse au point de contact à l’atterrissage (relativement à la portance), son angle d’attaque à l’atterrissage et sa masse. En tout, 300 cas de charges et de combinaisons ont été analysés.

La simulation numérique a permis aux experts en simulation d’obtenir des résultats sur le comportement de tous les cas de charge sans tester le train d’atterrissage physiquement dans chaque scénario, dans le but de déterminer lesquels étaient les plus problématiques. Et donc, l’équipe a pu se concentrer sur les cas qui dépassaient les limites des pièces.

Trois raisons derrière la faiblesse

1. Cas de charge négligé

Premièrement, la conception d’origine ne tenait pas compte d’un cas de charge spécifique. Paradoxalement, ce cas de charge découle de la configuration du système et pourrait expliquer la plupart des défaillances antérieures. Après avoir analysé ce cas de charge au moyen d’outils avancés (simulation numérique, entre autres), l’équipe a constaté les contraintes excessives générées à l’atterrissage et les conséquences qu’elles ont eues sur la structure de l’aéronef. En termes simples, le cas représente le retour élastique et opposé du train d’atterrissage suivant l’accélération instantanée de la roue au moment où celle-ci touche le sol, combiné aux effets de poussée au sol et à la trainée aérodynamique. Comme un ressort, une fois tendu, le train d’atterrissage se détend avec une force inverse, ce qui le rend vulnérable aux ruptures étant donné la configuration de ce train d’atterrissage.

2. Conditions favorables au développement de la fissuration par corrosion sous contrainte

Deuxièmement, les trois conditions favorables au développement de la fissuration par corrosion sous contrainte (SCC) étaient réunies – il s’agit d’un phénomène qui réduit la résistance ultime et en fatigue du matériau. En effet, le train d’atterrissage était soumis à des contraintes de tension permanentes et variables, il était exposé à un environnement corrosif, et il était fait d’un matériau sensible au phénomène, soit en alliage d’aluminium forgé 7014. Il y avait également des contraintes liées au tolérancement dans l’assemblage du train d’atterrissage. Une fois monté à l’aéronef, le train d’atterrissage était constamment sous tension aux points critiques d’assemblage. En plus, l’insertion répétée des goupilles dans leur trou a créé un environnement propice à la fissuration par corrosion sous contrainte.

3. Revêtements et finis de surface inadéquats

Troisièmement, la pièce principale composée d’aluminium forgé était sujette à la corrosion; ses revêtements et finis de surface ne la protégeaient pas contre l’environnement corrosif. En plus, les différents alliages et matériaux de l’assemblage entraînaient la formation de corrosion galvanique.

 

L’équipe d’experts de Creaform Ingénierie discute et passe en revue l’analyse des défaillances mécaniques et physiques.

L’équipe de Creaform Ingénierie passe en revue l’analyse des défaillances mécaniques et physiques.

 

Conception améliorée pour un train d’atterrissage résistant et sécuritaire

Après avoir bien compris les faiblesses du design original, les ingénieurs ont proposé une refonte du train d’atterrissage visant à surmonter chacune des limitations établies. Même s’il s’agissait là d’une tâche laborieuse, l’équipe était prête à relever le défi en préservant les principaux composants du système original. Après tout, le train d’atterrissage d’origine avait initialement fait l’objet d’une mise à l’essai et d’une certification. Il a toutefois fallu redessiner et fabriquer les éléments structuraux à nouveau, et donc changer la façon selon laquelle le train d’atterrissage allait être monté à l’aéronef et se loger dans l’aile.

Ingénieur mécanique chez Creaform Ingénierie devant son ordinateur, améliorant le design du nouveau train d’atterrissage.

Ingénieur mécanique de chez Creaform Ingénierie améliorant le design du nouveau train d’atterrissage.

L’objectif était de réduire – pour tous les points et tous les cas de charge – les contraintes observées et de limiter l’ajout de masse. Et donc, l’équipe a choisi un nouveau matériau résistant (aluminium 7050-T74) aux propriétés mécaniques supérieures. L’ajout de matière aux points soumis à des tensions élevées s’est également traduit par une amélioration de performance. On a aussi privilégié l’emploi de meilleurs revêtements de surface et systèmes de protection. En outre, des liens dimensionnels et des tolérances critiques ont été modifiés puisqu’ils pouvaient générer des tensions résiduelles.

Simulation numérique comparant le design original (soumis à des tensions élevées) à la version améliorée.

Simulation numérique comparant les tensions du design original à celles de la version améliorée.

La simulation numérique a permis à l’équipe d’ingénieurs de comparer rapidement la conception d’origine et le design amélioré.

Utiliser la simulation numérique nous a permis de découvrir de nouvelles méthodes plus efficaces, plus rapides et plus sécuritaires.

– Steve Guillemette, superviseur de l’atelier moteurs et directeur R-D, Lortie Aviation

Grâce à la simulation numérique, le nouveau design a été soumis à un seul essai destructif, une pratique particulièrement coûteuse.

Grâce à la simulation numérique, le nouveau design a été soumis à un seul essai destructif.

Fabrication et mise à l’essai du nouveau train d’atterrissage

C’est à ce point que pouvaient commencer la fabrication et la mise à l’essai des premières unités. Les ingénieurs ont mis les tests mécaniques et les modèles d’AÉF en corrélation. L’équipe a exposé le nouveau train d’atterrissage à des forces physiques dans différentes directions, puis a vérifié la correspondance entre le comportement observé et les modèles de simulation. Cela leur a permis non seulement de faire pleinement confiance au processus, mais aussi de cibler le pire scénario à employer pour effectuer un essai destructif. Et donc, grâce à la simulation numérique, le train d’atterrissage a été soumis à un seul essai destructif coûteux.

Membres de Creaform Ingénierie et de Lortie Aviation examinant l’assemblage final du nouveau train d’atterrissage.

Membres de Creaform Ingénierie et de Lortie Aviation examinant l’assemblage final du nouveau train d’atterrissage.

Résultats : Amélioration de la fiabilité et de la durabilité du produit

Les experts de Creaform Ingénierie ont suivi un processus de développement de produits éprouvé. Moins d’une année s’est écoulée entre la conclusion de l’entente et la présentation du design final. Puis, il n’a fallu que six mois pour effectuer les étapes de prototypage, d’essais mécaniques (pour valider les modèles numérisés) et de fabrication. En définitive, 50 à 60 exemplaires du nouveau train d’atterrissage ont été produits afin de remplacer les anciennes pièces de la flotte d’aéronefs.

L’équipe de Creaform Ingénierie est arrivée avec une solution qui était non seulement efficace d’un point de vue pratique, mais aussi rentable pour l’entreprise. Notre client était très impressionné. Ça nous a permis de demeurer en affaires.

– John Lusa, directeur général, Lortie Aviation

Creaform Ingénierie a soutenu Lortie Aviation tout au long du processus, pendant toutes les phases de conception, de fabrication, de test et de mise en œuvre. En tout, il aura fallu 18 mois pour développer un produit présentant de meilleures propriétés mécaniques. Trois mois plus tard, le nouveau train d’atterrissage faisait partie de tous les aéronefs de la flotte. La simulation numérique aura assurément contribué au développement du bon produit, du premier coup. Au passage, le processus aura permis de réduire les coûts et d’affiner la sélection des matériaux et des revêtements.

Grâce à la simulation numérique, Lortie Aviation dispose aujourd’hui d’un nouveau train d’atterrissage présentant une résistance mécanique 50 % supérieure à celle du train d’origine, et ce, sans ajout de masse.

– Pier-Olivier Duval, directeur des opérations – simulation numérique, Creaform Ingénierie

Ingénieurs examinant le design du nouveau train d’atterrissage dont la résistance est supérieure à celle de la version d’origine.

Nouveau train d’atterrissage présentant une résistance mécanique 50 % supérieure à celle du train d’origine.

Développement d’un meilleur produit grâce à la simulation numérique

Grâce à la simulation numérique, Creaform Ingénierie a pu entamer le processus en déterminant avec certitude les causes de défaillance du train d’atterrissage. Ensuite, la simulation numérique a permis de retirer les faiblesses du design d’origine rapidement. Après quelques itérations, le nouveau design a été peaufiné, poussant ainsi l’équipe d’ingénierie à livrer un petit effort de développement supplémentaire. La simulation numérique a également accéléré le nouveau processus de développement de produits et mené à la création d’un train d’atterrissage résistant et sécuritaire, sans ajout de masse.

À mon avis, la collaboration future entre Lortie Aviation et Creaform Ingénierie est entre leurs mains; la beauté de notre relation réside dans le fait qu’ils nous font remarquer des aspects qui autrement échapperaient à notre attention. 

– John Lusa, directeur général, Lortie Aviation